Voilà une nouvelle, sans prétention, que j'ai appelé:
L’ASSASSINAT DE SHERLOCK HOLMES ET DU DOCTEUR WATSON
par Stéphane Roulier.
Le docteur Watson referma son journal. Une fois de plus, il restait songeur quant aux nouvelles qu’il avait lues… Sherlock Holmes de son côté, posa son violon sur la table. Il regarda son fidèle ami, en souriant…
« Hé bien, Watson qu’est ce qui vous tracasse ?
- oh rien d’important, Holmes…J’ai eu en lisant ce journal, un sentiment contradictoire
- lequel ?
- Je lisais la rubrique des faits divers… et comme ces dernières semaines, je la trouvais bien pauvre…
- vous devriez vous réjouir, non ? » répondit Holmes.
Watson se leva et commença à arpenter la pièce.
« Oui, sûrement. On dirait que le crime recule dans notre bonne vieille capitale, donc forcement en tant que citoyen de Londres, je suis plutôt heureux… En même temps, je me dis qu’il y a de moins en moins d’affaires vraiment intéressantes… et que...
-et que ?
-et bien… C’est dans ce genre de circonstances, dans ses périodes très calmes, ou le crime sommeille, que vous êtes le plus désœuvré, Holmes. L’ennui vous envahit inexorablement, et vous tombez, à chaque fois, dans une sorte de dépression… Malheureusement l’issue reste toujours la même : votre fameuse solution à 7%... Comme je suis votre médecin, mais surtout votre ami, même si c’est légal, je ne peux pas cautionner de tels actes » ajouta Watson, l’air résigné.
Holmes prit du tabac dans sa tabatière en or massif, celle ornée d’une améthyste dessus, puis bourra sa pipe et l’alluma. Il tira une longue bouffée. Une énorme volute de fumée bleue flotta dans la pièce. Il fixa ensuite son compagnon pendant un moment qui parut interminable.
« Soyez sans crainte, j’ai l’intime conviction qu’après une période aussi calme en mystères, quelque chose de gigantesque va surgir… Une affaire des plus palpitantes…la plus compliquée, la plus retors, la plus machiavélique… L’enquête qui sera le summum de ma carrière… J’en suis persuadé, mon cher Watson… Soyons patient d’ici là… La criminalité n’est pas éradiquée, elle a encore de beaux jours devant elle…
- si vous le dites, Holmes, sinon vous vous retrouverez bientôt sans profession…Sur ce, je vais me coucher, bonne nuit » répondit Watson.
Holmes lui fit un petit signe de la tête, et le docteur se leva, quand on frappa à la porte… Watson en maugréant sur l’heure tardive pour une visite, demanda qu’on entre. Mrs Hudson, très lentement, ouvrit et rentra. Watson n’eu pas le temps de lui demander ce qu’elle voulait, qu’elle sortit un révolver et tira sur le médecin, par deux fois. La première balle atteignit l’épaule mais la deuxième, le toucha en plein cœur.
Sherlock Holmes regarda pétrifié, mourir son seul ami sous ses yeux. Il n’eut pas le temps de prendre sa canne ou son pistolet à double détente, Mrs Hudson pointait son arme sur lui…
« Enfin ! Depuis le temps que j’attends ce moment, laissez- moi savourer ma victoire ». Pendant qu’elle prononçait cette phrase, la voix de Mrs Hudson mua et devint très masculine. L’homme, puisqu’au final c’en était un, enleva son postiche et son faux nez.
« Vous voyez, mon cher Holmes, moi aussi je suis passé maitre dans l’art du déguisement
- Moriarty…. Vous l’avez abattu comme un chien, à bout portant.
- j’aurais pu au contraire trouver une autre façon de le tuer, avec pourquoi pas d’atroces souffrances. Alors, remerciez- moi, plutôt. La seule chose qui me désole, c’est que vous et votre ami ne serez plus là pour assister à mon triomphe, mon règne sera total…incontestable.
Et « le génie du mal » partit dans un éclat de rire sardonique.
« Adieu Holmes » lâcha le professeur Moriarty en visant la tête du détective. Le coup parti, il ne laissa aucune chance à Sherlock Holmes.
A même le sol, les corps de ces deux grands héros, gisaient dans une mare de sang.
Le rideau tomba. L’immense salle du Royal Opéra House demeura silencieuse un long moment. Puis on entendit quelques vagues applaudissements, mais qui furent vite couverts par des huées et des sifflets. Pour la première fois, les acteurs ne vinrent pas saluer le public. Ensuite, les spectateurs ne regardèrent plus la scène mais tous ou presque se retournèrent pour voir notre réaction.
Nous étions placés au balcon (Holmes n’aime pas être dérangé pendant une pièce de théâtre… En règle générale, Holmes n’aime pas être dérangé du tout). Je devais avoir une mine blafarde, je me trouvais encore sous le choc… A la fin de la pièce, certainement mu par la surprise, j’avais eu comme un haut le cœur… Sherlock, lui ne laissait rien transparaître, un petit sourire se dessinait même sur ses lèvres.
Je restais encore muet dans le cab qui nous ramenait à notre logement. Trop de choses se bousculaient dans mon esprit. Ce fut Holmes qui rompit ce silence de cathédrale.
« On dirait, Watson, que ce…divertissement ne vous a pas laissé insensible ?
- insensible ? Je suis effaré et choqué … Comment le directeur du plus prestigieux théâtre de Londres a-t-il pu mettre à l’affiche cette pièce. Ne serait ce que pour une seule et ultime représentation, comme c’est le cas.
- Moi ce qui me choque, c’est que l’acteur qui joue votre rôle est légèrement bedonnant, après tous les efforts que vous avez fait pour retrouver votre taille de jeune homme » fit Holmes, amusé.
Je lui jetai un regard outré
« Je suis un homme tolérant d’habitude…Mais là je pense qu’on aurait du censurer cette pièce. Voir nos deux corps gisant sur scène m’a fait froid dans le dos… Je crois que je ne verrais plus Mrs Hudson de la même façon. Cet acteur qui joue Moriarty m’a glacé le sang… Il « sonnait » tellement vrai…
- sur ce point là je vous rejoins, mon cher ami. Il sonnait vrai parce ce que… Il est le VERITABLE Moriarty… »
J’ouvris de grands yeux et aucun son ne pu sortir de ma bouche… Holmes reprit :
« Sans vous le dire, j’avais déjà mené ma petite enquête… J’avais trouvé bizarre les invitations et les relances incessantes pour participer à ce spectacle…Ca m’avait mis la puce à l’oreille… Après quelques investigations j’ai découvert le pot aux roses… Mais j’étais curieux de voir la suite des évènements.
Et puis si vous avez encore le programme, vous verrez que le nom de la troupe qui jouait ce soir s’appelle : La Compagnie du Petit Caporal… Vous savez quel est le surnom que j’ai donné à Moriarty : le « Napoléon du crime »… Et quel était le surnom de l’Empereur… le petit Caporal. De plus, son nom de scène est Jimmy Sarrateo…le parfait anagramme de « James Moriarty ».
- pourquoi ne pas l’avoir arrêté, alors ?
- Il y avait trop de monde ce soir, cela aurait pu être risqué pour le public. Ce n’était ni le moment, ni le lieu… Il m’a lancé comme un défi, Watson, un avertissement. N’ayez crainte, le chemin sera encore long, rempli d’embûches… Il sera à la hauteur de cet ennemi… dangereux et redoutable… C’est ce qui fait le sel de notre combat,» me répondit paisiblement Holmes…
Et nous restâmes ensuite silencieux jusqu’au terminus. Au 221 B Baker Street…
FIN
(Sur l'image, on peut voir Mark CAPRI dans le rôle D'Holmes dans THE FINAL ADVENTURE, pièce de théatre datant de 2006)